Une Ourse à l'entraînement
 

Les moments entre chaque période sont longs, on oublie un peu, on a tous nos occupations en dehors de la réserve, nos envies, nos problèmes, nos joies. On est arrivé, en ayant comme à chaque fois l’impression de se redécouvrir tout en se connaissant depuis toujours, les habitudes reviennent, c’est devenu naturel, on appréhende un peu, on se demande ce que nous réserve cette période d’avril, ces cinq jours d’aventure. On craint peut être que ce soit trop dur, ou que ce ne le soit pas assez, on a envie de vivre autrement, mieux, de faire resurgir des parties de nous qu’on ne peut pas toujours montrer dans le civil. On est arrivé à la caserne avec le sourire, certain en ployant sous le poids des sacs, d’autres en courant sous le poids du retard. On se sent déjà vivre autrement, mieux … Tout a débuté rapidement, les tours de stade qui s’enchainent pour le test cooper, il y a ceux qui se sont entraînés, ceux qui ont voulu mais qui n’ont pas pu, ceux qui voulaient mais qui ne l’ont pas fait (et qui le regrettent), l’accumulation des tractions et des pompes, la fierté de voir qu’on progresse, les sourires d’encouragement.

On se sent bien assis sur les graviers du stade à faire des abdos. Puis direction le bois des Perches, trois jours, remplis de fatigue, de cohésion, de tiques, de café, à sentir plus la nature que la nature elle-même, nos premières hallucinations nocturnes, les tanks qui semblent foncer sur nous, l’apparition des sangliers, les mots de passe parfois oubliés, le bruit de pas qu’on croit entendre, les buissons qu’on croit voir bouger, et tout ce qu’on ne voit pas. Les longs moments de garde, les courtes heures de sommeil. Les gouttes de pluies qui se font sentir, alors on met une bâche, on la met bien, enfin, on croit bien la mettre, mais on nous fait remarquer avec un grand sourire qu’en la mettant comme ça, c’est dans une piscine qu’on dormira. Tout cela mélangé aux liens qui ne cessent ne se créer, cette cohésion qui semble s’accroître au fur et à mesure que les cernes apparaissent. On se sent vraiment vivre autrement, mieux … On apprend, sans cesse, ils nous transmettent leurs connaissances qu’on essaie tant bien que mal d’écrire sur nos petits carnets : « temps de guerre, on multiplie par 10, temps de paix, par 20 ». On mélange un peu les chiffres, on oublie souvent quelques lettres, on a l’impression qu’on ne retiendra pas, mais on se rend compte que tout s’ancre peu à peu dans nos esprits. Les réveils musculaires s’enchainent, les courbatures aussi, quelques blessures, physiques, psychologiques, on se soigne aux antidouleurs, ils nous soignent aux cachets de ’’moraline ’’ … Et toujours cette cohésion, ces mains dans le dos, qui vous aident, quand on ne parvient plus à avancer, ces cris d’encouragement. Allez, allez, allez … Les trois jours de terrain se terminent, on est fière, d’y être arrivé tous ensemble, on est tous les synonymes de fatigué en même temps, mais on sait qu’on a vécu autrement, mieux … Les moments à la caserne sont tout autant intenses. Marcher au pas, relever le menton, la tête, gonfler le torse et tendre les bras, surtout bien tendre les bras. Rire doucement quand certains n’y parviennent pas, puis se tromper à son tour. En avant, marche, car oui, on va tous de l’avant. On recommence, jusqu'à ce qu’on nous dise « ça a d’la gueule ! », et alors on sourit, encore une fois, on y est arrivé ensemble. On se retrouve finalement autour d’un feu, comme sur le terrain, mais cette fois c’est celui du barbecue, les merguez remplacent le pâté de lièvre des rations. Les rires fusent, on se sent en famille, c’est un anniversaire, sans bougies mais avec quelques bières. Et puis le dernier jour arrive, un brin de nostalgie apparaît, vite remplacé par un brin d’essoufflement (un brin ?). C’est conduit par nos rangers qu’on se dirige vers l’étang des forges, ensemble, on retourne chercher les autres derrières car « sans les autres on est rien ». On slalome entre les arbres pour finalement s’enfoncer dans la boue. Il nous reste quelques mètres, les plus durs, ensemble, on ne forme plus qu’un. Et enfin, dernier effort, on prend place devant une feuille blanche, l’essoufflement fait place à un petit stress, on se remémore à la dernière seconde quelques connaissances juste pour se persuader qu’on sait. Cette fois c’est vraiment la fin, on n’est pas encore parti qu’on a déjà envie d’y retourner. « si vi pacem para bellum »…
1er CL L.Celemencki
Dernière mise à jour : ( 24-07-2009 )