Entretien avec M. Bruno RAMBAUD président du GICAT
ImagePour Bruno Rambaud, le Président du GICAT, Groupement des industriels des matériels de défense terrestre, l’armée de Terre est au cœur des opérations militaires présentes et futures et les matériels dont elle est équipée prennent une importance croissante. Et dans l’interaction entre militaires et industries, les réservistes peuvent jouer un rôle charnière.
 
_ Quel est le poids spécifique de l’armée de Terre aujourd’hui dans les choix d’équipement ?
BR : Il ne faut plus raisonner en termes de concurrence entre armées. Comme vous le savez, les grands arbitrages de programmes sont désormais de la compétence du chef d’état-major des armées. En revanche, il faut rappeler que c’est l’armée de Terre qui occupe le terrain dans la durée et subit le plus de contraintes. Son rôle est croissant dans la gestion des systèmes complexes du champ de bataille.

L’armée de Terre aujourd’hui, ce n’est plus l’addition mathématique de blindés et de canons, c’est un système de plus en plus intégré depuis le commandement jusqu’au combattant individuel en passant par tous les systèmes d’armes, dans ce qu’on appelle la numérisation du champ de bataille.

_ Mais n’est-on pas revenu de ce discours hyper technologique pour redécouvrir la rusticité ?
BR : Il ne faut pas revenir à la case départ, la numérisation du champ de bataille est une réalité qui commence à s’imposer. Si l’on prend les Retex de l’opération Licorne, on s’aperçoit qu’on a atteint un point d’équilibre et que, lorsque la numérisation fonctionne bien, personne ne veut revenir en arrière. Pour acquérir l’instantanéité de décision et de réactivité qui donne la supériorité au combat, il faut donc permettre à l’armée de Terre de faire ce saut de génération dans lequel les systèmes d’armes, de transmission, de commandement et d’intégration ont tous un rôle essentiel.

_ Cette centralité de l’armée de Terre n’est-elle pas contredite dans la réduction des effectifs ?
BR : la professionnalisation des armées à conduit l’armée de Terre à effectuer avec un remarquable succès la densification de ses effectifs pour gagner en souplesse et en disponibilité opérationnelle. Priorité a été donnée aux missions opérationnelles, avec un recours croissant à l’externalisation des fonctions techniques et de soutien.


_ Quel rôle voyez-vous pour les réserves de l’armée de Terre ?
BR : Précisément, la contraction des effectifs de l’armée de Terre rend plus nécessaire qu’auparavant la disponibilité de réservistes entraînés, motivés et opérationnels pour permettre aux forces d’exécuter, dans la durée, les missions opérationnelles qui leur sont confiées . Nos alliés britanniques et américains font largement recours aux réserves pour assurer la rotation des effectifs dans les engagements extérieurs. Les réservistes jouent aussi un rôle important pour maintenir des liens forts entre une armée professionnalisée et une société civile moins sensibilisée à la dimension militaire après la disparition du service national. Nous apprécions le rôle de relais que jouent ces réservistes entre l’armée et l’entreprise, et la connaissance du milieu militaire qu’ils peuvent nous apporter. 

_ Comment l’entreprise peut-elle faciliter la disponibilité du réserviste ?
BR : Cette question n’est pas simple et n’a peut-être pas été totalement résolue par les deux lois de 1999 et 2006 sur la réserve dans un cadre juridique qui reste encore largement volontaire. Mais les entreprises, par un comportement citoyen, sont invitées à prendre des mesures qui aillent au-delà des termes de la loi afin de donner à leurs réservistes davantage de disponibilité au profit des armées ; c’est l’objet des conventions Défense-Entreprise dont les premiers résultats sont très encourageants. Le GICAT peut contribuer à faire connaître cette expérience de partenariat Défense-entreprise qui offre à l’employeur civil des contreparties appréciables à la mise en disponibilité du réserviste.
 

 _ Les entreprises peuvent-elles contribuer à développer les réserves ?
BR : L’entreprise, par une information suivie de ses collaborateurs, peut tout à fait susciter des vocations à entrer dans la réserve, qu’elle soit citoyenne ou opérationnelle. Par ailleurs, pour lui donner compétence et expérience dans certaines fonctions de services, l’entreprise peut avoir tout intérêt à embaucher quelques anciens militaires, ce qui contribue aussi à consolider le lien armées-nation. Pratique très courante chez nos alliés anglo-saxons. C’est ce qu’a fait Thalès en embauchant d’ex-militaires d’active qu’elle a ensuite laissé repartir comme réservistes, pour servir des matériels Thalès dans les transmissions du contingent français. En ce sens, la réserve est centrale pour contribuer à cette fluidité entre l’armée de terre et les industriels qui la servent. Voilà une notion importante qu’il faut absolument développer dans le cadre des discussions sur le Livre Blanc.
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Dernière mise à jour : ( 08-11-2007 )