Entretien avec un réserviste historien
 

Thibault Richard a écrit FRANCE MAI-JUIN 1940, L’AMPLEUR D’UN DESASTRE.

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A cette occasion, Thibault Richard a bien voulu répondre aux questions du LTN(R) François Gaignault :

Pourquoi avoir choisi d’écrire un livre sur Mai/Juin 1940 ?

Thibault Richard : Toute la seconde moitié du 20ème siècle de l’histoire de France est conditionnée par cette défaite, qu’il s’agisse de la division politique de la société française, même si 90% de la population de notre pays est restée attentiste pendant l’Occupation, essayant de survivre dans des conditions très compliquées, ou de la délicate question de la décolonisation où toute idée d’abandon était insoutenable car rappelant trop les heures sombres de mai/juin 1940. Cet événement a aussi signé la disparition du parti radical comme parti politique dominant en France. Le radicalisme ne s’en est d’ailleurs jamais relevé. N’oublions pas, si l’on veut mesurer l’intensité de l’onde de choc qui a bouleversé en profondeur la société française que cette débâcle de 1940 est considérée par certains historiens comme la plus grande défaite du millénaire pour la France.

En outre, il y a quelques années, je me suis aperçu lorsque j’ai réalisé la monographie d’une grande unité française engagée dans la Bataille de France que l’iconographie était relativement pauvre. Je me suis donc mis en quête de clichés par divers biais, notamment par Internet pour récupérer des photos d’époque jusqu’alors jamais utilisées dans des publications. En fait, par cet ouvrage, j’ai souhaité participer à la restauration d’une mémoire, celle d’une armée française qui s’est battue avec courage dans tous les domaines alors que dès le départ les conditions étaient extrêmement difficiles avant de devenir très vite désespérées…

Quelle a été votre problématique ?

TR : En rassemblant et en découvrant de nouveaux clichés sur cette période, la problématique s’est imposée d’elle-même et s’articule autour de trois thèmes : destructions massives dans les zones de guerre, intensité des souffrances de nos civils et de nos soldats, pugnacité de nos troupes au combat. Les photos révèlent deux faits majeurs :
1°, la tenue nette et l’allure militaire de nos soldats prisonniers qui sauvent l’honneur par leur dignité.
2°, le nombre de soldats français tués sur leur position.
Tous les militaires qui étaient sur le terrain, d’active ou de réserve, du simple soldat au général de division ont globalement fait leur boulot et tenté jusqu’au bout de remplir leurs missions. Les membres des grands états-majors éloignés du front et des zones de combat, étaient compétents mais ils ont été dépassés par le rythme des opérations imposé par les Allemands, notamment dans la vitesse d’exécution. Cette immense défaite, et le livre le met en lumière, n’a pas une cause unique mais plusieurs facteurs qui, mis bout à bout, ont entraîné la paralysie et la chute de la France. Nous savons par exemple que l’armée française des années 30 était extrêmement administrative et la paperasse omniprésente, ce qui a considérablement ralenti la prise de décision au moment de la guerre, et souvent de manière fatale pour nos troupes ! Des auteurs aussi emblématiques que l’admirable Antoine de Saint-Exupéry et le non moins admirable Marc Bloch, qui ont vécu le désastre de mai/juin 40, consacrent à ce problème dans leurs écrits des pages entières. De même, le temps splendide a permis à l’aviation de guerre allemande, supérieure en nombre et plus homogène que la nôtre, de se rendre maître du ciel et de pilonner nos troupes et les colonnes de civils au sol. Quant à nos soldats, bloqués par l’exode de la population, ils ne tirent évidemment pas dans le tas pour se dégager la route ! Les soldats allemands n’ont pas toujours eu la même attitude... Citons une autre cause, les gouvernements, sans doute influencés par le pacifisme ambiant et confortés par certaines théories militaires, ce qui n’excuse rien, pensaient que la France était à l’abri derrière la ligne Maginot. Ce qui d’ailleurs n’était pas faux mais hélas cette ligne n’allait pas jusqu’à la Belgique, et surtout les décideurs français de l’époque pensaient que le massif forestier des Ardennes se suffisait à lui même. Enfin, jusqu’au Front Populaire, le budget destiné à La Défense était relativement faible…

Quel éclairage nouveau apporte votre étude ?

TR : Une approche novatrice dans l’exposé des destructions qui furent effroyables dans les grands centres urbains comme dans les villages où se sont déroulés les combats. L’iconographie permet de prouver et d’illustrer l’intensité des dégâts.

Comment avez-vous procédé pour récupérer toute ces images inédites ?

TR : Les Français n’ont pas pris de photos, et pendant longtemps seuls les clichés pris par les correspondants de guerre récupérés par la propagande nazie et valorisant les combattants allemands, jeunes et vainqueurs ont circulé. Mais les soldats de la Wehrmacht ont pris des photos car ils étaient marqués par ce qu’ils voyaient, par les ravages de la guerre moderne. Aujourd’hui, les Allemands ne veulent plus traîner ces vieux souvenirs avec eux et d’autre part, en les vendant, cela leur rapporte un peu d’argent. Toute la difficulté pour moi a été de vérifier avec certitude si la légende correspondait bien à l’image, souvent, il fallait carrément identifier la photo. Cela m’a pris des milliers d’heures…Il me reste encore quelques centaines de clichés à renseigner.

Quel sera le sujet de votre prochain livre ?

TR : C’est confidentiel ! Mais à mes camarades de l’ANRAT, je peux donner quelques indices : mon prochain ouvrage sera encore consacré à la Seconde Guerre mondiale mais le thème sera plus large que notre cadre national.

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Dernière mise à jour : ( 27-03-2011 )