Quand s'active la Réserve !
  Dix ans après la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense1, qu'en est-il advenu ? C'est un sujet généralement méconnu sur lequel les clichés réducteurs persistent durablement. Son adaptation à la professionnalisation et, plus récemment, aux orientations du Livre blanc, n'en est pas moins réelle. Sans bénéficier d'un haut degré de priorité, la réserve est néanmoins aujourd'hui une réalité qui est intégrée dans le contrat opérationnel des armées, quand bien même sa montée en puissance doit se poursuivre jusqu'en 2015.
 
Rappelons que la réserve militaire comprend, selon la loi précitée, la réserve opérationnelle, elle-même composée, d'une part de volontaires sous ESR2 et d'autre part des anciens militaires soumis pendant cinq ans à l'obligation de disponibilité, et la réserve citoyenne, réserve de rayonnement composée de volontaires, civils ou anciens militaires, agréés. Nous nous bornerons à considérer la réserve opérationnelle de 1er niveau, d'après le rapport annuel du CSRM3 sur l'état de la réserve militaire en 2008 et plus particulièrement celle de l'armée de Terre, selon les informations délivrées par son Délégué aux Réserves.

I - DE LA MOBILISATION A LA RESERVE D'EMPLOI
 
La réserve nombreuse, instruite et générée par le service militaire, destinée à mettre sur pied, en cas de guerre, des régiments, voire des divisions supplémentaires, a bien évidemment disparu avec la professionnalisation. Lui succède une réserve de volontaires sélectionnés, réserve d'emploi destinée à ajuster en permanence l'outil militaire aux situations de crise. L'armée professionnelle, en effet, avec des effectifs restreints, doit faire face à des situations variables en intensité et en durée. Elle peut avoir à absorber des pics d'activité, périodiques ou conjoncturels, avoir besoin occasionnellement d'experts ou de cellules spécialisées qu'il n'est pas nécessaire d'entretenir en permanence.
 
La logique d'emploi des réserves repose sur le couple «effectif - taux d'activité». Ainsi, une maquette réserve en organisation n'a de sens qu'assortie à un nombre annuel de jours d'activité. Que serviraient en effet d'avoir des effectifs importants de réservistes très peu actifs donc inutiles ou au contraire des réservistes très peu nombreux employés en permanence, assimilables à du personnel d'active. Ces deux paramètres déterminent les ressources budgétaires nécessaires ; inversement, la ressource budgétaire consentie ne laisse que le choix de varier sur ces deux paramètres.
 
II - POINT DE SITUATION 2008
 
La LPM 2003-2008 définissait une cible de 100 000 volontaires en 2012 avec un objectif intermédiaire de 82 000 réservistes en 2008, objectif ramené en 2004 à 63 000 réservistes ayant en moyenne 27 jours d'activité annuelle. Le bilan fin 2008 fait apparaître un nombre de réservistes sous ESR de 60 000 (34 000 hors gendarmerie) avec une moyenne d'activité de 20 jours (21 jours hors gendarmerie). Ce retard accumulé en raison des contraintes budgétaires met en évidence l'équilibre recherché pour préserver le flux de recrutement au prix d'une moindre progression du taux d'activité. Le record appartient à la gendarmerie passée de 12 000 réservistes fin 2002 à 26 000 fin 2008, l'armée de Terre étant passée pour sa part de 11 000 à 18 000 réservistes.

Structurellement, trois origines sont à distinguer, qui fin 2008 constituent chacune un tiers de la population considérée :

  • Les réservistes issus du service militaire, officiers pour la plupart ou sous-officiers, très majoritaires initialement mais qui disparaissent mécaniquement en restant dans les grades les plus élevés.

  • Les anciens militaires volontaires, répartis dans tous les grades, qui pourraient à terme constituer 50 p. 100 de la réserve, directement employables sans formation préalable.

  • Les réservistes issus de la société civile, volontaires bénéficiant d'un cursus de formation adapté. Ils entrent dans la pyramide par le bas et ont bien évidemment vocation à remplacer à terme la première catégorie.

La structure par grade a considérablement évolué entre 2001 et 2008. Si les sous-officiers ont doublé en volume et faiblement diminué en proportion (41 % à 36 %), les officiers ont faiblement augmenté en volume et fortement diminué en proportion (34 % à 20 %) et les militaires du rang fortement augmenté tant en volume (6 000 à 26 000) qu'en proportion (25 % à 44 %) et c'est bien là la clef de la réussite de cette montée en puissance.
 
L'essentiel de l'activité des réservistes est consacrée à l'emploi en renfort des unités ou en état-major (79 %, le reste se partageant entre la formation (14 %) et les opérations extérieures (4,6 % - 7,6 % hors gendarmerie).
 
III - POLITIQUE GENERALE DECOULANT DU LIVRE BLANC
 
La réévaluation des contrats opérationnels des armées en fonction des conclusions du Livre blanc a un impact direct sur le format et la politique d'emploi des réserves qui ont été revus dans l'hypothèse d'un conflit régional majeur pouvant engager nos intérêts vitaux (H3), nécessitant notamment le déploiement de 10 000 hommes sur le territoire national (hors gendarmerie).
 
La maquette 2015 qui en découle prévoit 80 000 réservistes, dont 50 % pour la gendarmerie et 27 % pour l'armée de Terre (22 000 hommes à 25 jours d'activité par an).
 
La réserve opérationnelle est totalement intégrée et ne constitue pas, comme dans certaines armées étrangères, une force autonome. Les réservistes renforcent donc les capacités des formations d'active, soit comme compléments individuels, soit également, dans l'armée de Terre, en unités élémentaires au sein des régiments.
 
La gestion et l'administration des réservistes tendent à se rapprocher, autant que leur spécificité le permet, de celles des militaires d'active, dans un but d'harmonisation.
 
IV - POLITIQUE D'EMPLOI DE LA RESERVE OPERATIONNELLE DE L'ARMEE DE TERRE
 
La réserve trouve toute sa place dans le contrat opérationnel de l'armée de Terre, notamment pour assurer sa capacité de déploiement sur le territoire national, mais sans exclure pour autant l'engagement en opération extérieure, en complément individuel ou, plus exceptionnellement, en unité constituée sur des théâtre stabilisés ou en voie de l'être. C'est déjà une réalité puisqu'une unité de transport a été déployée en Bosnie il y a quelques années et que deux sections de réserve se préparent pour une mission d'un mois au Sénégal en 2010 et 2011. Des sections de réserve sont régulièrement déployées dans les missions Vigipirate sans que personne ne les distingue des unités d'active. 

Les critères d'engagement (compétence, entrainement) d'un réserviste ou d'une unité de réserve sont identiques à ceux de l'active pour un théâtre donné.

L'articulation retenue reste l'unité élémentaire de réserve au sein d'un régiment, soit à terme :

  • 24 unités spécialisées4 (Génie, Feux SS/M 120, Mouvements et ravitaillement, renseignement, MCO, NBC, SIC).

  • 54 unités d'intervention5 de type PROTERRE à quatre sections (Le concept d'emploi de ces unités est donc le même que celui retenu pour les unités d'active qui doivent toutes, quelle que soit leur arme, être capables de remplir les missions communes à l'armée de Terre que sont : surveiller, soutenir, boucler un point, tenir et interdire.

V - RECRUTEMENT ET FORMATION

L'engagement dans la réserve se traduit par une affectation, la signature d'un contrat ESR (Engagement à servir dans la réserve) et l'élaboration d'un PPA (Programme prévisionnel d'activité) en fonction des besoins et de la disponibilité du réserviste :

  • Un minimum de 5 jours est nécessaire pour être noté et concourir à l'avancement.

  • La moyenne annuelle recherchée est de l'ordre de 25 jours.

  • Le maximum est de 150 jours pour participer à une OPEX, exceptionnellement 210 jours.

Le cursus de formation proposé pour les volontaires sans expérience militaire préalable se décompose en :

  • Un stage de formation militaire initiale du réserviste (FMIR) d'une durée de 20 jours complété, pour le soldat, par deux ou trois années de formation en régiment à raison de 15 à 30 jours par an, puis une formation de spécialité au sein du régiment.

  • Un stage de formation initiale à l'encadrement (FIE) de 20 jours, à l'issue d'une formation initiale ou d'une préparation militaire supérieure réussie, qui se déroule à l'Ecole Nationale des Sous-Officiers d'Active et débouche sur un grade de sous-officier.

  • Un stage de formation initiale d'officier de réserve (FIOR) réservé aux titulaires d'une licence ayant suivi avec succès une FIE, avec accès au grade d'aspirant. Après la FIOR, deux voies sont possibles : la voie commandement ou la voie état-major. Dans les deux cas, la formation est complétée par des stages de premier niveau (commandant d'unité ou état-major). Après cette formation spécifique, il n'y a plus de distinction entre les deux voies. Les officiers de commandement d'unité élémentaire rejoignent automatiquement la voie état-major de deuxième niveau en obtenant le diplôme de l'École Supérieure des Officiers de Réserve Spécialistes d'État-Major (ESORSEM).

 
VI - EN GUISE DE CONCLUSION
 
Le dispositif contraignant, s'imposant à la fois au réserviste et à l'employeur, qui prévalait autrefois à fait place à une relation contractuelle, qui ne laisse subsister l'ordre d'appel qu'en cas de situation exceptionnelle, sur décision gouvernementale par décret en conseil des ministres. En deçà de ce seuil, l'emploi des réservistes dépend de la disponibilité
particulière de chacun. C'est pourquoi l'efficacité de la réserve opérationnelle repose sur la relation de partenariat qui peut s'instaurer entre les armées et les employeurs. Lié à l'intérêt
que trouve l'entreprise à compter des réservistes parmi son personnel, ce partenariat peut en effet comporter un contrat de réactivité qui facilite l'emploi du réserviste.
 
La part très importante prise par les réservistes américains et britanniques aux conflits en Irak et en Afghanistan ne permet pas de douter que la réserve soit une composante essentielle de toute armée moderne. Plusieurs années sont encore nécessaires à nos réserves pour atteindre ce degré de maturité, et ce chantier exigera sans doute encore beaucoup
d'énergie et de persévérance.

 Article extrait de la lettre d'information n°72 du G2S (mars 2010)

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Dernière mise à jour : ( 25-03-2010 )