Quand les étudiants prennent goût au garde-à-vous |
La scène fait penser à un tournage de Fort Boyard ou à une émission de téléréalité. Il y a quelques années, ces étudiants de master (bac + 4 ou + 5) auraient plutôt été anti-militaristes, voire objecteurs de conscience ! Aujourd'hui, ces futurs managers sont venus là pour « tester leur résistance, dépasser leurs limites et prendre des leçons de management ». Rémunérés 1 000 € par mois Galvanisés par les plus motivés, les stagiaires courent vers l'obstacle n° 8. Ils crapahutent depuis près de quatre heures. Lever à 6 h au son de « Verdun la victorieuse », un chant guerrier qu'ils sont capables de reprendre en choeur. Mise en condition par une marche d'une heure trente, avec sac à dos, rangers et casque. Le « parcours santé » en fait tousser plus d'un. Mais presque tous résistent à ces deux journées d'efforts intensifs. À part un forfait, pour cause d'incompatibilité avec la vie militaire, et deux « hors-jeu », victimes d'une entorse à la cheville. « Géraldine » est le prénom que donnent les militaires à leurs collègues féminines. Mais celle-ci se prénomme vraiment Géraldine. C'est l'une des trois filles du groupe. Elle grelotte de froid. Au 10e obstacle, le capitaine Maurat lui propose de rentrer au chaud. « Je reste avec mes camarades », lui rétorque Gégé. « C'est ça l'esprit de groupe ! », se réjouit Arthur, de l'ESC Reims, une autre école de commerce. Midi. Les stagiaires regagnent leur dortoir. Certains pour une douche chaude. Tous pour un treillis sec. Ces étudiants seraient-ils déjà dans le moule de l'armée ? Pas vraiment. Aucun ne souhaite devenir militaire de carrière. Ce stage, rémunéré un peu plus de 1 000 € par mois, leur confère tout de même le statut de réserviste. « Je suis venu pour voir comment je réagirais au manque de sommeil et au froid », confie Arthur qui veut travailler dans la com et la pub. Alexandre, lui, envisage d'ouvrir un cabinet de conseil aux entreprises. « En passant quelques semaines dans l'armée, je souhaite avoir une expérience de groupe. Et m'initier au management. » Convoqué pour un entretien d'embauche inattendu, Pierre, de l'Edhec de Lille, a dû demander une permission. Lui aussi apprécie le stage. « Physiquement, je progresse tous les jours », s'étonne-t-il en exhibant ses mains garnies d'ampoules et de griffures. Ce sont les séquelles de passages à l'asperge, à l'espalier, à la gouttière, et autres réjouissances du parcours du combattant. « Tous les jours je m'impressionne ! Je pense que la moitié de la force est dans ma tête. » Tatiana, 21 ans, de l'ESC Europe à Paris, doit suivre un master « finance et environnement » à Berlin. Plus tard, elle envisage de faire du business avec l'armée. Géraldine ¯ qui ne grelotte plus ¯ a prévu de terminer son master par un mémoire sur le microcrédit en Inde, avant de postuler « dans les relations internationales ». En proposant ce stage à des étudiants de grandes écoles, l'armée se constitue un vivier de réservistes. Elle espère aussi secrètement enrôler quelques cadres. Pour l'heure, les 17 jeunes ne l'envisagent pas. Ils pensent à la suite de leur séjour sous les drapeaux. Après six semaines à l'école des officiers de Saint-Cyr Coëtquidan, dans le Morbihan, ils en passeront trois en écoles d'application à Angers, Draguignan ou Saumur. Puis dix semaines dans un régiment, où ils seront chefs de section (en doublure). « On a déjà appris à vivre en collectivité. À diriger un groupe. On est plus résistants », constate Pierre avec satisfaction. « Ils développent aussi des valeurs d'intégrité, de hiérarchie et de dévouement », ajoute le capitaine Boulain, jeune officier, ex-étudiant titulaire d'une maîtrise d'histoire.
Jean-Jacques REBOURS.Photo : David ADEMAS.
(C) OUEST France 15 mars 2010
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Dernière mise à jour : ( 15-03-2010 ) |