CCRAT : Conclusions du CEMAT

ADRESSE DU GENERAL D’ARMEE ELRICK IRASTORZA
CHEF D’ETAT-MAJOR DE L’ARMEE DE TERRE
A LA COMMISSION CONSULTATIVE DES RESERVISTES DE
L’ARMEE DE TERRE
PARIS – 5 DECEMBRE 2009

Je suis très heureux de m’exprimer devant vous ce matin en conclusion des travaux de la CCRAT, et je profite de cette opportunité pour rendre hommage à votre dévouement et à votre disponibilité au sein de l’armée de Terre, au service d’une cause qui nous transcende tous, que nous soyons d’active ou de réserve, le service de notre pays.

Vous avez reçu ce matin beaucoup d’information et de réponses à vos questions de la part du DRAT, de la DRHAT et du CFT. Je n’y reviendrais pas. Mon propos sera, sur le fond, le même que celui que j’adresse au personnel d’active, car vous faîtes intrinsèquement partie de l’armée de Terre, vous devez donc en connaître les évolutions et les défis auxquels elle doit faire face.

 

Je vous demande instamment de vous faire les courroies de transmission de ces informations vers vos camarades – la première mission que je vous confie aujourd’hui – mais également de vous faire les ambassadeurs de l’armée de Terre dans votre entourage professionnel et privé – votre deuxième mission du jour – afin de diffuser une juste compréhension des réalités de l’armée de Terre, de ses engagements opérationnels, de ses réformes. Je ne vous livrerai pas ce matin de scoops, certains d’entre vous
m’entendrons aujourd’hui redire certaines choses connues, mais croyez en mes 40 ans d’expérience, commander, c’est inlassablement répéter !
 
Vous le savez, en toute cohérence des conclusions du Livre Blanc et de la RGPP, l’armée de Terre conduit simultanément le rééquilibrage de ses capacités de combat, une réduction importante d’effectifs, la modification profonde de son organisation et de ses modes de fonctionnement, de nombreux transferts de personnel vers des organismes interarmées en cours de création, le renouvellement ou l’adaptation de ses équipements. 
 
Simultanément, elle s’acquitte de toutes ses missions, sa raison d’être, dans un contexte opérationnel devenu singulièrement exigeant, sur lequel je voudrais en préambule vous donner un éclairage.

Pendant des décennies, nous nous sommes préparés à l’éventualité – certes peu probable du fait de la dissuasion nucléaire – d’une confrontation sans préavis, massive, brutale, et probablement très brève. Notre approche de la préparation opérationnelle, des équipements, des hommes en a été durablement marquée par le « tout, tout, le temps, tout de suite » de rigueur à cette époque. 
 
A mesure que cette perspective de menace mortelle à nos limes les plus proches s’éloignait, nous avons été engagés dans la gestion de crises, d’intensité et de durée variables, plus ou moins éloignées de nos frontières et donc suscitant plus ou moins d’intérêt de la part de nos concitoyens. Le règlement de ces crises s’effectuait généralement avec le consentement plus ou moins enthousiaste des belligérants, conduisant finalement rarement nos hommes à combattre durement. Petit à petit, nous avons ainsi pris un peu de distance avec les dures réalités de la guerre, son lot de souffrances, ses exigences.
 
Les engagements d’aujourd’hui nous montrent que la bonne volonté des parties prenantes se fait plus rare ! Nous en revenons ainsi à des engagements ouverts, en un mot au combat, face à des adversaires déterminés, tenaces, n’ayant aucun intérêt à accepter les actions de stabilisation, normalisation et reconstruction que nous nous efforçons de mettre en œuvre. Il en résulte d’inévitables conséquences sur la préparation et la conduite des opérations, les hommes, et les équipements de notre armée de Terre dans toutes ses composantes, d’active comme de réserve, car il nous faut bien évidemment nous y adapter.
 
L’armée de Terre recentre donc logiquement son action sur ce triptyque, dont je vais vous brosser les grands traits, triptyque reposant sur le socle d’une administration générale et de soutiens communs en pleine réforme. 

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1/ Les missions opérationnelles et leur préparation constituent le cœur du triptyque, durablement influencé par deux évènements majeurs et les 5 facteurs d’évolution de nos engagements.
 
1er événement : le Livre Blanc, expression de la volonté politique du Président de la République, définit les missions des armées, dont découle logiquement le modèle d’armée de Terre retenu.

• Nous devons répondre aux menaces d’aujourd’hui, « les guerres du moment », définies, souvent irrégulières, à niveaux de violence parfois élevés mais maîtrisables. Simultanément, nous ne devons pas écarter l’hypothèse « d’une guerre », indéfinie, plus massive, qui pourrait survenir à un horizon plus lointain. Il pouvait en résulter deux modèles d’armée radicalement différents, l’un « léger », l’autre plus « lourd » • Le choix d’une solution médiane a donc été fait, celui d’un modèle d’armée qui réponde en priorité aux premières, mais qui conserve l’aptitude à répondre à la deuxième.
• Ce choix justifie nos contrats opérationnels : 30 000 sur un théâtre majeur, 5 000 pour une intervention d’urgence (le GUEPARD), 10 000 sur le territoire national et les processus de montée en puissance pressentis (6 mois au minimum pour le 30 000). 
• Il justifie aussi le maintien de capacités nous permettant de constituer en fonction de la situation des forces capables de contrer la quasi- totalité des menaces connues, et bien sûr de les régénérer.
• Logiquement, il en résulte une composante réserve plus spécialisée, mieux formée, et mieux intégrée dans le dispositif militaire.
 
Trois conclusions majeures s’imposent donc:
• Nous avons les effectifs justes suffisants pour remplir nos contrats.
• Nous devons conserver l’ensemble du spectre des capacités des forces terrestres en les rééquilibrant entre elles :
• préservation des plus sollicitées : INF, FS, AERO, RENS, BLD ;
• transfert à une autre armée de certaine : SAMP ;
• réduction d’autres : canons, chars de bataille ;
• redistribution des dernières : TRS, LOG, GEN, DSA ;
• Les délais d’intervention pressentis (6 mois), mettent un terme au « tout, tout de suite, tout le temps » si ancré dans nos esprits mais qui a un coût exorbitant qui n’est plus justifié aujourd’hui. Nous avons désormais plus de temps et de latitude pour concentrer nos efforts en fonction des priorités du moment, et donc organiser différemment : 
• notre préparation opérationnelle, ce sont les MCP différenciées ;
• l’emploi et la gestion de nos équipements, c’est la PEGP.
• Ces conclusions s’appliquent bien évidemment aux réserves.
 
Si nous regardons la réalité de nos engagements actuels, nous constatons qu’ils s’inscrivent sans difficultés majeures dans ce cadre espace, temps, ressources, capacités :

• 8 000 de nos soldats sont engagés en OPEX sur 6 théâtres majeurs.
• 4 100 renforcent les forces de présence et de souveraineté.
• 5 700 sont en alerte GUEPARD et 800 en MISSINT en métropole. 
• Instantanément, nous avons donc un peu plus de 12 000 hommes d’active et de réserve hors de métropole, ce qui fait, par le jeu des relèves, près de 36 000 hommes engagés chaque année, soit finalement notre contrat opérationnel de projection, 30 000 + 5 000. 
• L’armée de Terre peut donc tenir un rythme plus soutenu, jusqu’à 10- 11 000 hommes en OPEX et 4000 en MCD, ce qu’elle faisait d’ailleurs jusqu’à début 2009.
 
2e évènement : l’armée de Terre s’investit résolument et entièrement dans les structures de commandement de l’OTAN. 
• Près de 600 officiers et sous-officiers de l’armée de Terre seront ainsi insérés dans les organismes de préparation de l’avenir, de doctrine, d’entraînement et de conduite des opérations. 
• Ces affectations nécessitent un effort d’apprentissage des procédures et de maîtrise de l’anglais. Cet effort est également à fournir par nos personnels de réserve, notamment les ORSEM qui sont affectés au sein des CRR, des EMF et des Brigades.
 
Si la finalité de nos missions reste globalement la même, la nature de nos engagements connaît 5 évolutions majeures, les « 5D », que je veux vous rappeler car elles impactent directement notre PREPAOPS, votre PREPAOPS. 
• La durée stratégique des conflits n’est pas nouvelle, il suffit de regarder celle de notre présence dans les Balkans. Comme je vous l’ai dit en préambule, nous avions en revanche un peu perdu de vue la durée des actions violentes au contact : nos sections, nos SGTIA peuvent être amenées à se battre plusieurs heures voire plusieurs jours. 
• Nos soldats doivent donc y être préparés techniquement, moralement et physiquement. 
• Logiquement, nos matériels s’usent plus vite, ce qui entraîne des efforts importants de maintien en condition et de renouvellement. 
 
• Simultanément les actions sont devenues plus dures. L’adversaire n’est pas devenu plus puissant (on ne peut le comparer avec le pacte de Varsovie), son armement reste basique (AK47, RPG7). Mais il est nettement plus déterminé voire teigneux, il est difficile à identifier parce que fondu au sein de populations qui le craignent, il sait enfin parfaitement tirer le meilleur des dernières technologies et des fragilités de nos opinions publiques pour mener sa guerre irrégulière.
• Nous devons donc sans cesse adapter nos modes d’actions, nos dispositifs, nos équipements, et notre PREPAOPS, ce que nous permettent nos processus de RETEX en boucle très courte, • Nous devons aussi porter une attention particulière à la solidité des familles de nos soldats, de nos bases arrières.
 
• Nos missions sont très diverses (ONU, OTAN, UE, multinational, cadre national), ce qui veut dire comprendre chaque situation, maîtriser les procédures et les règles d’engagement propres à chaque théâtre, savoir passer très rapidement de l’action de combat à la simple présence rassurante et dissuasive. 
 
• Ensuite, elles sont dispersées sur 7 théâtres majeurs (2350 véhicules, 860 blindés, 27 hélicoptères), ce qui a un coût (flux logistiques, sur- dispersion des lots d’outillages et des compétences techniques), et se paye inévitablement en métropole, nos ressources étant durablement comptées. Mais l’effort doit être porté sans réserve sur ceux qui sont en opérations, car les succès des uns sont les succès de tous, les échecs des uns sont les échecs de tous.
 
• Enfin, le droit est devenu une donnée plus structurante que jamais. La règle s’est toujours imposée à nos soldats qui ne se sont jamais sentis au dessus de lois qui les protègent tout autant qu’elles les obligent. Où qu’il soit déployé, le soldat français s’engage avec collés à la semelle de ses chaussures les règles du droit international, les lois de notre pays, nos règles comportementales et notre code du soldat. « A guerre irrégulière, comportement régulier » :
• Le mouvement de « judiciarisation » des opérations appelle les observations suivantes :
• On ne peut interdire aux gens de porter plainte ;
• Les militaires n’ont jamais bénéficié de l’immunité, depuis que la guerre existe, les hommes n’ont eu de cesse de s’efforcer à créer un droit de la guerre « jus ad bellum » et un droit dans la guerre « jus in bello », ce n’est pas une nouveauté ;
• En revanche ce métier n’est pas comme les autres, il est soumis à des contingences fortes, c'est-à-dire à des évènements imprévisibles, ce que l’on appelle le « brouillard de la guerre ».
Aux échecs, on voit toutes les pièces de l’adversaire quand on cherche à deviner ses intentions, à la guerre on ne les voit pas ou seulement très partiellement, on peut donc se tromper.
• La loi relative au statut général des militaires nous protège dans l’exercice de nos missions, pour autant – article 16 – que nous accomplissions « les diligences normales », ce qui veut dire que nous fassions notre métier conformément à la norme. 
 
• 2 conséquences en découlent :
• 1re conséquence : tant que le soldat accomplit ses missions en conscience, en se souvenant à chaque instant de ce qu’il a patiemment et durement appris et acquis à l’entraînement, en un mot tant qu’il accomplit les diligences normales, il n’y aura aucune raison d’appréhender l’irruption d’un juge dans la
conduite tactique des opérations au point de s’en trouver globalement inhibé au combat.
• 2e conséquence : les militaires qui viendraient, individuellement ou collectivement, à faire l’objet de telles procédures bénéficieront de tout le soutien qui est leur est légalement et moralement dû.
 
Je tire de ces évènements et de ces évolutions 4 conclusions :
• Nous devons en priorité nous préparer à gagner la guerre du moment (la = article défini), sans sacrifier l’avenir, et donc nous préparer dans la durée à une guerre générique (une  = article indéfini).
• Les populations sont les acteurs et les enjeux des conflits modernes, ce qui veut dire gagner les cœurs (et les estomacs), mais aussi gagner les combats quand ils s’imposent, donc accepter, non pas les pertes, aucun chef militaire ne les accepte, mais le risque de pertes qu’il prend en conscience, après l’avoir bien évalué et réduit au minimum. 
• A la guerre, il n’y pas de solutions infaillible à toutes les situations, car il n’y a pas de modèle mathématique de la guerre !
• Du général au chef d’équipe, nous devons en réduire la part d’incertitude au niveau le plus irréprochable, par une préparation opérationnelle sans concessions en amont – dont nos soldats ont parfaitement compris qu’elle constitue leur meilleure protection – et une conduite rigoureuse et raisonnée des opérations, complétées pour le personnel d’active par et d’indispensables périodes de récupération entre chaque mission, car une armée « pro » doit durer. 
Si je devais donner la recette du succès au combat, je dirais :
• 60% de préparation opérationnelle minutieuse (les diligences normales), 
• 10% d’intelligence de situation, en amont de l’action comme pendant (comprendre),
• 10% d’instinct pour avoir, dans l’urgence, la bonne réaction. Mais l’instinct n’est pas inné, il n’est que la rémanence, la réminiscence de la chose apprise comme se plaisait à le répéter Napoléon. 
• 10% de patience, c’est à dire une bonne analyse du facteur temps, ne pas céder à la tyrannie des délais, pour éviter les revers de fortune par excès de vitesse ou de confiance. 
• Enfin, il y a le courage, une donnée que je me refuse de mettre en statistique pour la simple raison que nos soldats n’en manquent pas. 
 
Notre préparation opérationnelle est construite pour répondre à l’ensemble de ces impératifs, elle ressemble à un immeuble à 4 niveaux. 
• Au rez-de-chaussée la formation initiale : instruire et éduquer de bons combattants, respectueux des lois et des règlements résumés dans le code du soldat. Je dois être certain que tous ont bien reçu le même fond de sac, qu’ils soient d’active ou de réserve. 
• Au premier étage, les missions communes de l’armée de Terre : le tronc commun qui donne à toutes les unités l’aptitude à accomplir les missions répertoriées dans le manuel d’emploi des unités PROTERRE. Elles permettent ainsi de soulager notre infanterie très sollicitée et de remplir l’essentiel de nos missions sur le territoire national. Elles doivent donc être parfaitement maitrisées par nos UER.
• Au deuxième étage la maîtrise du cœur de métier celui d’artilleur, de sapeur, de tringlot, de spécialiste d’état-major.
• Au troisième étage enfin, la préparation à la guerre du moment : différenciée selon les exigences de chaque théâtre. Pour l’Afghanistan, cela veut dire 6 mois, préavis et délai à ajouter à celui de la mission, car je me refuse en conscience à engager du personnel d’active ou de réserve qui n’ait pas suivi le cycle complet de préparation opérationnelle. Ainsi, les 2 sections de réserve qui seront projetées au Sénégal en 2010 ont été désignées 18 mois à l’avance (1er RHP, 3e RIMA). 

Quelles conclusions tirer pour la réserve opérationnelle ?
Vous l’avez compris, il résulte logiquement de tous ces facteurs la nécessité d’une convergence accrue de la préparation opérationnelle et de l’emploi de la réserve avec ceux de l’active. Les cursus de formation ont été refondus en ce sens (par exemple, généralisation de l’IST-C), la description détaillée de la contribution de la réserve aux contrats opérationnels est en cours (le ROC), le principe de préparation opérationnelle différenciée est appliqué aux unités de réserve, à l’instar de celles d’active. 

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2/ J’en viens maintenant au deuxième volet du triptyque, les hommes et leur gestion, sur lequel s’appuie le volet central.
 
Mon objectif est de faire atteindre à l’armée de Terre une maturité compatible avec ses impératifs opérationnels, en tirant toutes les conclusions de 10 ans de professionnalisation. Je ne vous détaillerai pas l’ensemble du modèle des ressources humaines retenu pour simplement vous faire comprendre les règles qui s’appliquent à vos camarades d’active, notamment au profit de ceux d’entre vous qui apportent leur concours à la préparation des concours et examens :
 
Quel est le constat ? 
• Nous avons besoin de soldats jeunes, en bonne forme physique et militairement bien formés, Cette obligation de jeunesse explique notre recours important à une ressource contractuelle (72%) à renouveler régulièrement, y compris en période de déflation. Cette précarité doit être compensée, notamment par des efforts de réinsertion dans la vie professionnelle civile. Je vous demande de nous y aider, notamment dans vos milieux professionnels.
• Simultanément, nos engagements opérationnels demandent des unités professionnellement expérimentées, donc conserver, y compris en période de déflation, les soldats recrutés et instruits à grands frais.
• Mais les jeunes ne s’engagent et les anciens ne restent que si les carrières sont attractives et les parcours professionnels plus lisibles. 
• Or nous connaissons un cycle recrutement – formation – reconversion – recrutement trop rapide, qui nous épuise et épuise nos viviers.
Sur le plan qualitatif, j’ai donc pris trois décisions majeures pour ralentir ce turn over trop rapide, en cherchant à tirer le meilleur parti de l’expérience acquise :
• Assouplir les règles de renouvellements de contrats en supprimant les barrières technocratiques, pour permettre à ceux qui veulent rester et donnent satisfaction de le faire, par une gestion individualisée. 
• J’insiste sur les seules critères qui prévalent désormais et qui d’ailleurs s’appliquent tout autant au personnel de réserve : 
• Vouloir servir,
• Pouvoir servir techniquement (être compétent),
• Pouvoir servir physiquement,
• Savoir servir (comportement et discipline),
• Pourvoir un poste (décrit au DUO). 
• Faciliter la promotion interne de nos meilleurs EVAT comme sous- officiers voire officiers. Je crois en effet profondément que la stabilité et l’expérience d’une armée professionnelle doit reposer davantage qu’actuellement sur un corps de sous-officiers très majoritairement issu du recrutement interne. Ceci veut dire :
• atteindre puis dépasser le ratio 55/45 de semi-directs et rangs par rapport aux directs ;
• mieux prendre en compte les acquis de l’expérience professionnelle, en augmentant leur part relative par rapport aux connaissances académiques dans les examens.
• Pour les officiers, préserver le recouvrement des origines en adaptant la répartition et les volumes de recrutement aux besoins (complexité des engagements opérationnels, temps de commandement, OTAN), et en maintenant le niveau requis à la sélection.
 
Bien évidemment, si toutes ces mesures concourent à renforcer l’égalité des chances, principe fondateur bien ancré au sein de notre armée de Terre, elles
supposent toujours de la volonté et du travail de la part de ceux qui veulent « s’élever par l’effort », pour reprendre la belle devise de l’ENSOA. 
 
Elles supposent aussi l’engagement de tous, que nous soyons d’active ou de réserve, pour gagner le combat de la fidélisation. Cette bataille ne sera pas
gagnée si les jeunes Français qui rejoignent nos rangs ne reçoivent pas toute la considération qui leur légitimement due, ce qui veut dire :
• un commandement de proximité exemplaire, exigeant, responsabilisant et chaleureux ;
• le bannissement des comportements d’un autre âge qui remplissent de trop nombreux GUERREVEN ;
• une formation sans concession mais de grande qualité, qui instruise et éduque au métier si particulier du service des armes de la République ;
• des conditions de vie personnelle et professionnelle satisfaisant les attentes légitimes de nos soldats, afin que chacun d’entre eux puisse « bien vivre de son métier pour bien vivre son métier ».
 
Au plan quantitatif enfin, je suis très attentif à ce que le rythme et le volume des déflations et transferts d’effectifs soient scrupuleusement respectés. Il en
va de la capacité opérationnelle des forces et de notre capacité à conduire cette déflation dans des conditions satisfaisantes pour le personnel, comme
l’ont été globalement celles de 2009.

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3/ Troisième volet du triptyque, les équipements.
 
Comme l’étude des menaces actuelles et potentielles nous y oblige, nous devons concilier les programmes majeurs à long terme qui engagent l’avenir et l’adaptation réactive en réponse aux exigences plus immédiates des théâtres. 
Sur le long terme, l’armée de Terre conduit ainsi le 3e cycle de renouvellement d’ampleur de ses matériels depuis la seconde guerre mondiale, renouvellement devenu urgent. L’effort financier non négligeable consenti lui permettra d’en atteindre les objectifs majeurs, mais les flux n’en restent pas moins taillés au plus juste, compte tenu des retards accumulés. 
En 2009, elle :
• aura reçu 96 VBCI, 32 CAESAR, 7 TIGRE, 1049 FELIN, 224 PVP. 
• aura commandé 332 VBCI, 16454 FELIN, 4 LRU et 252 roquettes, 53 VHM, 22 NH90 et 200 PVP.
En 2010 :
• elle recevra 99 VBCI, 34 CAESAR, 7 TIGRE, 3107 FELIN, 340 PVP. 
• elle commandera 22 LRU et 252 roquettes, 76 postes de tir et 380 missiles à capacité tire et oublie et à partir d’espace confiné, 1500 parachutes, 100 missiles sol-air MISTRAL rénovés, 200 camions logistiques protégés, 187 PVP, la rénovation de 3 COUGAR. 
• Ces programmes majeurs structurent durablement nos unités et en améliorent très sensiblement l’efficacité opérationnelle, comme le prouvent les TIGRE et les CAESAR employés en Afghanistan.
 
D’autre part, l’armée de Terre a mis en place depuis 2007, avec l’implication résolue de l’EMA et une forte réactivité de la DGA, une procédure d’adaptation réactive efficace. 
• Une centaine d’opérations a ainsi été lancée en 2 ans pour 200 M€ (soit une année de budget de fonctionnement de tous nos régiments). 
• Elles visent à remédier à améliorer la performance des matériels en service et à acquérir les capacités manquantes, dans les domaines de la protection, de l’observation de jour et de nuit, de la puissance de feu, du renseignement, des SIC, de l’équipement individuel enfin.
• Je ne vous en détaillerai pas le contenu, retenez que cet effort est important, qu’il se poursuivra en 2010 à la même hauteur.
 
J’insiste néanmoins sur les équipements individuels de combat. Un effort considérable est accompli pour fournir à nos soldats ce qui se fait de mieux à un moment donné, ce qui veut dire des renouvellements de paquetages plus rapides et des stocks réduits, mais donc des attributions différenciées en fonction des exigences propres à chaque mission, et distinguant équipement opérationnel et habillement de service courant. Je rappelle mon interdiction d’achat d’effets de combat : c’est à la République d’équiper ses soldats, avec des équipements testés et homologués.
 
Ces matériels neufs et sophistiqués ont un coût d’acquisition mais aussi un coût de maintenance, auquel vient s’ajouter celui des parcs en service en croissance inexorable du fait de leur ancienneté. Le MCO est donc une préoccupation durable. 
• Il convient donc d’apporter au MCO toute la considération et le soin nécessaires. Une activité de préparation opérationnelle doit inclure une phase d’entretien du matériel, règle valable pour les unités d’active comme de réserve. Les maintenanciers me rendent compte qu’il y a moins de pannes sur les théâtres, j’en déduis que si l’on prêtait autant d’attention aux équipements en France qu’en OPEX, on diminuerait les coûts d’entretien. 
• Le MCO représente en effet le 2e poste budgétaire après la masse salariale soit près de 600 millions (MCO terrestre : 340 millions, MCO aérien : 264), et 8 régiments en consomment 60%.
• Maintenir la DTO à plus de 90 % en opérations a inévitablement un contre coup en métropole, nos ressources n’étant pas extensibles.
• C’est là tout l’enjeu des mesures prises pour concilier coûts croissants, besoins d’entraînement et attractivité d’une armée bien équipée :
• réforme de la gouvernance avec la mise en place de la SIMMT et du SMITer ;
• rationalisation des effectifs et des sites consacrés à la maintenance ;
• recours aux équipements de substitution. (SAGAIES, Defender).
• adoption de cycles d’entraînement cohérents avec une nouvelle politique d’emploi et de gestion des parcs, la PEGP qui concerne évidemment aussi les unités de réserve.
• Ces réformes bouleversent profondément nos habitudes, mais :
• elles sont cohérentes de nos contrats opérationnels (fin du « tout, tout le temps, tout de suite »)
• elles ont pour seul but permettre à nos soldats de préparer et de conduire leurs engagements opérationnels immédiats avec des matériels performants et en bon état. 
• nos soldats en opérations reconnaissent qu’ils sont bien équipés et bien soutenus, c’est là l’essentiel !

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En conclusion
 
Finalement, l’armée de Terre doit faire trois choses simultanément :
• S’acquitter sans interruption de ses missions opérationnelles, car « pendant les travaux, la vente doit continuer ». 
• Parfaire sa maturité d’armée professionnelle, en tirant parti de tous les enseignements des 10 années déjà écoulées. 
• Mettre en œuvre les réformes annoncées par le ministre de la Défense le 24 juillet 2008.
 
En cohérence avec le décret de 2009 redéfinissant les responsabilités du CEMA et des CEM d’armée, elle centre donc son action sur le triptyque que je vous ai présenté, que l’on retrouve du CEMAT aux régiments. 
• Ce seront désormais d’autres organismes, COMIAS, DIRISI, SCA.., constitués de nombreux personnels ressortissant de l’armée de Terre, qui pourvoiront à son administration générale et à son soutien courant, à partir des bases de défense.
  
• La réussite de ce processus de rationalisation est fondamentale pour préserver les effectifs consacrés aux forces. La réduction du ratio soutenants/soutenus est bien l’objectif de la réforme, la création des bases de défense n’en est que la conséquence.
 
Conduire toutes ces réformes est difficile, je suis conscient des efforts demandés et des interrogations légitimes qui en résultent, notamment avec la mise en place des BDD et les nouveaux modes de fonctionnement qui en découlent, en particulier pour la gestion individuelle. Si les processus changent, se seront bien toujours les chefs des formations d’emploi qui prendront les décisions en termes de ressources humaines, et non ceux des organismes d’administration qui se chargeront d’en assurer le travail notarial. 
 
Je voudrais conclure en rendant un hommage appuyé à nos soldats et à leurs chefs, qui sur le terrain, se comportent de façon remarquable, allant pour certains d’entre eux au bout de leur engagement au service toujours exigeant de notre pays et de la sécurité de nos concitoyens. Je veux également féliciter pour leur comportement exemplaire et la qualité des services rendus les 675 d’entre vous engagés à VIGIPIRATE cette année, les 211 projetés en OPEX et en MCD. Je n’oublie pas tous ceux d’entre vous qui remplissent au quotidien des missions de sécurité, qui réalisent leur préparation opérationnelle, qui participent à la formation des hommes ou au bon déroulement de la vie courante des régiments.
 
Vous l’avez compris, la réalité de nos engagements nous conduit naturellement à faire converger les règles d’emploi et de préparation opérationnelle de nos réserves avec celles de l’active. Il ne s’agit pas de freins à l’emploi des réserves, mais bien de répondre à des exigences tout autant opérationnelles que morales, ce qui finalement, renforce la synergie entre active et réserve.
 
Cette indispensable synergie n’est pas uniquement à finalité opérationnelle immédiate. Réservistes opérationnels ou citoyens, associations, la respiration naturelle que vous entretenez entre notre armée et la société civile trouve son aboutissement dans la solidarité de nos concitoyens avec leurs soldats, et concourt plus profondément à la capacité de résilience de notre pays. Nos soldats d’active et de réserve engagés en opérations y sont particulièrement sensibles, car ils savent qu’il s’agit de l’enjeu majeur des prochaines années. Je vous remercie de votre attention.

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Dernière mise à jour : ( 19-01-2010 )