Eurosatory 2008
Le thème de la 90ème édition de ce salon dédié à l’armement aéro-terrestre, qui s’est tenu du 16 au 20 juin, était « la préparation de la Défense du futur ». Près de 1 200 exposants en 2008 - un record - représentant un peu plus de 50 pays, y ont présenté leurs différents matériels et services : armes, munitions, véhicules, engins blindés, hélicoptères, drones, robots, simulation, entraînement, logistique, protection des infrastructures, équipements de sécurité... Avec 360 entreprises, de la PME au grand groupe, les français ont gardé la première place, suivis par les américains (126 exposants) et les allemands (88). Mais on y croise également des australiens, des israéliens, des pakistanais ou encore des jordaniens... On reste d’ailleurs frappé par la multiplicité des intervenants et des produits concurrents sur les mêmes créneaux.
 
En parallèle du salon avait lieu la présentation du Livre Blanc français sur la sécurité et la défense dont une des surprises était justement la volonté du Président de la République de poursuivre les regroupements dans l’industrie de défense européenne... Un pôle industriel terrestre européen pourrait ainsi prochainement regrouper les français Nexter (ex-Giat) et Panhard, les allemands Rheinmetall ou KraussMaffei, ou bien le britannique BAE System. Une 'joint venture' franco-allemande spécialisée dans la maintenance des équipements aéronautiques militaires, OEM Defence Services a déjà été lancée à l’occasion du salon par les français Thales, Zodiac et Safran et les allemands Diehl Aerospace et Liebherr-Aerospace. Le salon a été l’occasion de nombreuses autres annonces et avants premières mondiales. Thales a indiqué avoir signé avec Panhard un accord afin de vendre en France des véhicules blindés Bushmaster, conçus et produits par Thales en Australie et actuellement utilisés par plusieurs contingents en Afghanistan. Nexter a présenté l’Aravis, son nouveau véhicule multi missions, considéré comme le plus protégé de sa catégorie, et bien entendu le tant attendu VBCI1. La DGA en a commandé 182 alors que le programme est maintenant totalement entré en phase de production et que le CEMAT a annoncé (lors de son passage devant les ORSEM) son souhait de le voir projeté rapidement sur un théâtre extérieur. La chaîne de montage permettra de produire, dés 2009, une centaine de véhicules par an. 6 VBCI ont été livrés à la fin juin. Les 14 suivants seront réceptionnés fin juillet 2008 pour une livraison à l’armée de Terre prévue début septembre. Parmi les autres matériels majeurs entrant en service dans l’Armée française présentés au Salon on notera aussi le Tigre et le NH9O , le Caesar et le PVP , Petit Véhicule Protégé qui devrait aussi être projeté rapidement avec une des toutes nouvelles Batteries de Renseignement de Brigade. Quant à la cheville ouvrière actuelle, le VLTT P4, on notera avec une certaine envie la sortie d’une version revalorisée .
L’armée de Terre était elle même présente en tant qu’exposant aussi pour le lancement du programme Scorpion de mise en cohérence des matériels, et en particulier la démonstration du système Félin. Alors que le CEMAT indiquait que la question des remplaçants de l’AMX-l0RC et du VAB restait ouverte, le salon a été largement dominé par les véhicules à roues. Et de grand gabarit... On assiste à une véritable course à la taille à quelques exceptions près (véhicules très spécifiques de reconnaissance comme le Fennek allemand ou le Puma italien particulièrement discrets) : les caisses des VBCI, Boxer, Centauro/Frescia ou encore nouveau Piranha font toutes plus de 2,20 m de haut (on tient debout dans la version PC du VTT Patria!). Les utilitaires gagnent en largeur (le Sherpa de Renault par exemple est aussi large qu’un Hummer) ou aussi en hauteur à cause de la protection contre les mines (programme MRAP2). Rares sont encore les véhicules logistiques non protégés, tel le Kerax de Renault par exemple . Mais mieux vaut regarder de près les niveaux de protection réellement offerts (en version de base, la plupart des véhicules sont encore au standard OTAN 2 c’est à dire qu’ils ne résistent qu’à du 7,62 (pour mémoire il faut atteindre le niveau 3 pour résister à du 14,5). Les principales exceptions au recours accru au blindage étant les véhicules dédiés aux Forces Spéciales et aux patrouilles profondes tel que le Supacat, le VPS de Panhard (entré récemment en service au 13ème RDP et au 1er RPIMa) ou encore les véhicules Arctic norvégiens.
Bien que les véhicules à roues, répondant mieux aux contraintes budgétaires, aient été omniprésents, on trouve encore quelques chenillés «ancienne génération» :
- présentation par des équipages venus des bases US d’Allemagne d’un Abrams et d’un Bradley ,
- exposition d’un Leopard, d’un Warrior ou encore d’un M113 revalorisé par les israéliens)
- exposition des dernières générations comme le PanzerHaubitze 2000 (automoteur remplaçant les M109 allemands et néerlandais, actuellement employé sous ces couleurs en Afghanistan) et le VBCI Puma (présenté pour la première fois en 2005 en Allemagne et maintenant déployé dans la Bundeswehr.
Un commentaire de tringlot s’impose : l’encombrement sans précédent de la nouvelle génération de véhicules devrait donner du travail aux spécialistes de l’appui mouvement tandis que l’alourdissement du au blindage quasi systématique devrait entraîner des consommations en carburant exponentielles, malgré les progrès des motorisations... A ce titre on notera la présentation du véhicule GEFAS allemand, doté d’un moteur diesel hybride afin de réduire les consommations. Au chapitre «développement durable », on notera aussi l’émergence de solutions énergétiques autonomes (panneaux solaires, piles à combustible), présentes jusqu’au niveau du combattant individuel.
Ce dernier a d’ailleurs été en quelque sorte remis au centre des préoccupations avec les retours d’expérience des théâtres afghans et irakiens : les soucis d’ergonomie, de protection et de confort sont patents dans tous les véhicules exposés (tourelleaux télé opérés n’exposant pas les tireurs, sièges anti déflagration, habitats systématiquement climatisés,...) mais aussi dans les équipements individuels. La médicalisation de l’avant est également au centre des préoccupations.
La protection des personnels, très axée sur les nouvelles menaces comme les fameux IED3 pour les véhicules, se traduit aussi par le retour des fortifications de campagne. On trouve ainsi à côté des « bastion walls» popularisés par le conflit irakien, d’autres solutions à base d’alvéoles remplissables dont la mise en place est nettement plus rapide que les traditionnels sacs de sable.
A un niveau plus stratégique, la fonction C4I était incontestablement un axe majeur du salon commandement (SIC nouvelle génération, murs d’écrans tactiles pour des «situation rooms» utilisables aussi en gestion de crise civile) et surtout renseignement (drones aériens à voilure fixe ou tournante comme I’ORKA 1200 d’EADS ou l’Helistark d’OTO MELARA , mais aussi les drones terrestres à roues ou chenilles, l’optronique dernière génération et la multiplication des capteurs embarqués, ...).
Une consécration de la fonction renseignement (elle même mise en avant par le Livre Blanc) alors qu’un « village des think tanks » regroupant les principaux instituts de réflexion stratégique européens était mis en place pour la première fois à Eurosatory. Juste rappel que les conflits ne peuvent être traités uniquement sous l’angle technique.
Capitaine (R) Erwan Cotard

1 Véhicule Blindé de Combat d’Infanterie, que le CEMAT français préfère appeler VPC pour Véhicule Principal de Combat.
2 Mine Resistant and Ambush Protected.
3 Improvized Explosive De vices.
4 Command Control Communication Computer Intelligence.

Dernière mise à jour : ( 17-09-2008 )