Diner-débat 2007 : discours CEMAT
Mes chers frères d’armes, chers amis,
Cher Président, cher Pierre,

C’est un grand plaisir pour moi d’être parmi vous ce soir à l’invitation de votre Président, le colonel Pierre Bayle dont je salue l’initiative. La venue du MGI Wey, représentant de Mr Alain Marleix, et la présence de Mr Rambaud président du GICAT, le groupement des industriels des matériels de défense terrestre, témoignent si besoin en était d’un attachement commun à la Réserve qui ne se dément pas.
 

Vous connaissez, pour ma part, mon engagement pour une Réserve forte qui ne soit ni un substitut, ni un complément à l’active mais bien une composante à part entière de l’armée de Terre.

Nous progressons ensemble dans la bonne direction. Et de ce point de vue, le déploiement récent d’un peloton de réservistes à Mostar prouve qu’il est possible d’engager des unités opérationnelles constituées en opération extérieure. J’attends les RETEX et je ne compte pas m’arrêter là. Je n’oublie pas pour autant qu’au quotidien, la Réserve, tant opérationnelle que citoyenne, contribue au fonctionnement de l’armée de Terre, à son rayonnement… et aux opérations intérieures puisque pas moins de quatre unités élémentaires de réserve ont été engagées cette année dans le cadre de la mission anti-terroriste Vigipirate.
A tous ces titres, les réservistes issus du monde de l’entreprise apportent à l’armée de Terre une expertise professionnelle et relationnelle exclusive qu’il ne lui serait pas possible de développer en propre.

Mais je voudrais ce soir profiter de l’occasion qui m’est offerte d’ouvrir le débat, non seulement pour vous redire publiquement toute ma reconnaissance et celle de l’armée de Terre pour votre double engagement au service de la puissance économique et militaire de la France, mais aussi pour évoquer le futur de cette démarche duale.

Le thème du débat de ce soir, « apport pour l’entreprise et pour la défense des retours d’expérience en OPEX des réservistes » doit nous permettre d’aborder la question de fond après dix ans de professionnalisation : le système actuel répond-il aux attentes de chacun, des réservistes, de l’armée de Terre et de la Défense, des entreprises, de l’Etat ? Pour ma part, je vous répondrai qu’il nous faut résolument sortir d’une approche sinon anachronique, en tout cas souvent dépassée, qui repose essentiellement sur le bon vouloir et le dévouement individuel, pour entrer dans une logique plus systématique de réciprocité, d’enrichissement mutuel, en termes plus triviaux de « gagnant-gagnant ».

Pour lancer le débat, je me contenterai très rapidement d’esquisser deux pistes de rénovation. Je vous laisse le soin à l’issue de vous livrer à un examen plus large de la question :
En premier lieu, il me semble urgent de modifier la posture du réserviste au sein de l’entreprise, en un mot de sortir le réserviste de l’anonymat…voire de la « clandestinité ».  L’expérience acquise en opération, au titre de la préparation opérationnelle ou au sein des états-majors est encore insuffisamment valorisée auprès des DRH. De la même manière et bien que la loi le permette, les entreprises sont trop peu nombreuses à considérer les périodes de réserve comme une véritable formation continue.

Pourtant, les valeurs cultivées au sein de l’institution militaire comme la disponibilité, la capacité à travailler en groupe et à commander, la force morale sont partagées et recherchées par l’entreprise.

Je propose donc de relancer en 2008 une campagne d’information dans les entreprises au moment de la journée nationale des réserves, qu’il s’agira d’organiser un jour ouvré (et non une fin de semaine, donnant l’impression que les soldats de réserve sont des « militaires du Dimanche »), et d’inciter les réservistes salariés à entreprendre une action visible, identifiée pour cette occasion. Cette opération grand public, dans l’esprit d’activités de sensibilisation conduites dans certaines grandes entreprises partenaires de la Défense (Thalès, France Télécom, la SNCF etc…), devra permettre de montrer les intérêts réciproques qui unissent les salariés « militaires à temps partagé » et les chefs d’entreprise, et donc plus largement l’armée de Terre et les entreprises. Elle pourrait, en outre, donner une dimension supplémentaire au lien entre l’armée de Terre et la Nation, entre toutes celles et ceux qui composent « la France qui travaille et qui s’engage »… .
Pour aller plus loin encore dans le renforcement de nos relations, au niveau institutionnel cette fois, je crois qu’il nous faut réfléchir sur la façon de coordonner l’action militaire et l’action économique sur les théâtres d’opérations. Est-il encore concevable pour une puissance comme la France, de surinvestir militairement et politiquement dans une région, comme ce fut le cas dans les Balkans, sans véritables contre-parties économiques ? Non !

Je crois venu le temps pour nous militaires d’entretenir avec les entreprises françaises des relations pragmatiques, de favoriser leur développement à l’étranger, et parallèlement pour les entreprises, de prendre conscience de toutes les potentialités offertes dans le cadre des projections de forces. Le déploiement de réservistes spécialisés dans les actions civilo-militaires y participe, bien sûr, dès le début des opérations. Pour autant, les logiques de moyen, industrielles et militaires, divergent progressivement dans le temps. La phase de normalisation qui marque la réouverture économique progressive d’un théâtre, le passage du stade de la prospection à celui de la compétition,  coïncide presque toujours avec le retrait militaire. Pour pallier cette distorsion, je suggère donc d’étudier, ensemble, le renforcement transitoire de nos états-majors par des réservistes qualifiés, à partir du moment où la situation sécuritaire nous permet de rapatrier d’autres fonctions opérationnelles.
Je souhaite que les soldats d’active soient plus enclins à appuyer la défense des intérêts économiques de la France à l’étranger, alors même que le cœur de leur mission doit demeurer d’œuvrer en faveur de la Paix. Car, nous le savons bien,  la Paix durable est impossible sans stabilité et prospérité économique, comme il ne peut y avoir de développement économique sans un niveau de paix et de sécurité suffisant.

Vous voyez bien que les actions militaires et économiques sont donc indéfectiblement liées et que les femmes et les hommes qui les conduisent, qu’ils soient d’active ou de réserve, le font aussi pour la grandeur et le rayonnement de notre pays.

Vous l’aurez compris, pour réussir, cette démarche devra s’inscrire dans une véritable stratégie globale, initiée au plus haut niveau de l’Etat, assumée par la puissance publique dans son ensemble et appuyée résolument par les entreprises elles-mêmes. 

Je suis évidemment preneur des propositions qui émergeront  du débat que mon ami le colonel Pierre Servent a reçu pour mission d’animer, et dont l’idée même, contribue à rapprocher des partenaires de fait, qui, pour les uns, défendent les intérêts de la France et, pour les autres, créent sa richesse partout dans le monde.  Tous les soldats, qu’ils soient d’active ou de réserve, sont donc des exemples de la France qui s’engage et de la France qui gagne.
Je vous remercie pour votre attention.

Dernière mise à jour : ( 01-12-2007 )